
"On n'accepte jamais. On s'adapte."
« La vie ne tient qu’à un fil. »
« La vie est courte. »
« Nous n’avons qu’une vie à vivre. »
« YOLO. »
À quoi pensez-vous lorsque vous lisez ces phrases? Pensées modernes surfaites et surutilisées? Proverbes kitsch au sens dilué par leur teneur marketing? Illusions philosophiques créées de toutes pièces par nous, pauvres humains obnubilés par notre propre égocentrisme?
J’ai longtemps pensé que ces petites pensées magiques étaient de mauvaise foi. Qu’elles accordaient beaucoup trop d’importance aux idéologies axées sur l’égoïsme et le nombrilisme.
Mais ça, c’était avant le 8 juin 2014.
Le 8 juin 2014, Maude, une de mes bonnes amies, a perdu son petit frère Samuel, qui n’avait que 19 ans à l’époque, alors qu’il voyageait entre copains au Maroc et qu’il profitait pleinement de ce que la jeunesse a de plus beau à offrir.
Je me rappelle encore l’onde de choc qui s’était propagée, comme un incontrôlable feu de brousse, dans notre cercle d’amis suite à l’annonce du décès de Samuel. Incompréhension, tristesse, consternation. Nous étions accablés, mais surtout, bouche bée face à l’atrocité qui s’immisçait dans la danse de nos jeunes vies. Les mots me manquaient pour comprendre, la maturité me faisait défaut pour pleinement saisir et l’injustice du moment embourbait mon discernement.
Mais outre la vague d’émotions qui venait tous de nous happer dans notre gang d’amis, c’est ce qu’ont vécu les Bérubé Bergeron qui demeure inconcevable dans mon esprit.
L’horreur, voilà ce qu’ils ont dû endurer. L’horreur, la vraie. Celle qui s’invite chez toi, sans préavis. Celle qui te fait perdre pieds alors que tu t’en attends le moins. Celle qui te chuchote à l’oreille que plus rien ne sera comme avant. Celle qui te fait réaliser que…
« La vie ne tient qu’à un fil. »
Je ne saurais prétendre connaître la violence d’une telle perte. Je ne saurais comparer mes expériences de vie précédentes à ce qu’ont vécu les membres de la famille de Maude. Jamais.
Mais ce que je peux cependant affirmer avec conviction, c’est que le décès du jeune Sam m’a fait réaliser énormément de choses et pour cela, je lui en serai à jamais reconnaissante. J’ai notamment compris que la vie, ce n’est pas une destination finale toute tracée. C’est un amalgame de petits moments, de grandes émotions, de belles rencontres, de multiples déceptions et de belles leçons, qui se doivent d’être vécues, expérimentées et appréciées. Et ce, sans jugement, sans amertume, le cœur plein de courage et la tête pleine d’aventures.
La vie n’est pas faite pour s’apitoyer sur son sort, elle est faite pour être vécue, elle est faite pour aimer pleinement, elle est faite pour apprécier la beauté des choses qui deviennent trop souvent invisibles avec le temps. Sam, lui, m’a permis d’ajuster mes lunettes et de mieux apprécier le paysage et j’ose espérer que c’est un peu ce qu’il cherchait à faire lorsqu’il a visité la ville de Chefchaouen, au Maroc, en juin 2014.
Le deuil se déconstruit souvent en 5 étapes, qui sont considérés comme des passages émotionnels vers l’acceptation. Mais comme le dit si bien Maude, peut-on réellement « accepter » la perte de quelqu’un, une rupture amoureuse/amicale, un diagnostic, etc. ou finit-on seulement par s’adapter à cette nouvelle réalité dans notre vie? Et pourquoi faut-il absolument lui imposer une date de péremption ou un certain délai de « guérison »? À quel point comprend-on réellement que le deuil c’est une façon de s’adapter à un drame, plutôt qu’un trouble de santé mentale? Tant de questions, tant de cadres à respecter, tant de cases à cocher…
Ce 7e épisode, il est beau, il est doux et il est axé vers notre humanité commune, aussi imparfaite soit-elle. À chaque instant de notre conversation, mon cœur s’est enorgueilli d’amour face à cet humain extraordinaire qu’est Maude. Sa résilience est admirable, son courage est inspirant, mais c’est surtout son amour contagieux de la vie qui est tout simplement renversant . Et tout cela, malgré la disparition cruelle de son frère.
Mais Samuel n’est pas bien loin, il a simplement prolongé son voyage et le paysage est beau d’où il est, j’en suis persuadée.
Je pense aussi que de là-bas, il est témoin des exploits de sa sœur et qu’il est fier de la femme qu’elle est devenue.
Cheers à la vie, à l’amour et aux belles choses qu’on se doit d’apprécier à chaque instant de notre courte existence.
-Sam
